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Sortir de l'histoire de France

8 juillet 2007

Pollution publicitaire

Il ya plusieurs mois, Canalblog a été racheté par un individu surtout soucieux de s’en mettre plein les poches. Sa recette : polluer les blogs de Canalblog par de la pub immonde, sans même avoir pris soin d’en avertir les administrateurs de blog. Le procédé est répugnant et mérite une réponse.  Je vous ferai part prochainement de la mienne. En attendant, je recommande à chacun de donner son sentiment sur le forum Canalblog à l’adresse ci-dessous :

http://www.canalblog.com/forum/

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13 novembre 2006

Bas les pattes !

C’en serait presque burlesque si le sujet s’y prétait. A propos des cérémonies commémoratives du 11 novembre à L***, Ouest France écrit (13/11/2006) : « Les enfants savent les regarder dans les yeux, les anciens combattants qui ont vécu l’inimaginable (...) ». Il s’agit, on l’aura compris, de cette cinquantaine d’écoliers conduits au monument aux morts par des instits inconscients. Ce qu’on ne leur a pas dit, à ces enfants, c’est que les anciens combattants qui les encadrent, qui les ont même affublés d’un grotesque Tshirt siglé « ONAC », ne sont pas ceux de la 1ère Guerre mondiale, tous morts, mais des autres, ceux des guerres coloniales, qui, avec une impudence de charlatan, ont pris l’habitude depuis des années de s’approprier la mémoire et le souvenir de tous ceux que la guerre a tués malgré eux. Ainsi que de parler en leur nom. Et « l’inimaginable » auquel se réfère le journaliste – si on peut appeler ainsi ce mauvais plaisant – s’appelle torture, ratonnade, corvée de bois, bombardement de civils. L’ennui c’est que ces combattants « main dans la main avec les enfants », comme on l’apprend,  en ont été les responsables ou les complices et que leur combat n’a rien à voir avec la paix. Il est des mains qu’on préférerait ne pas trop voir s’approcher des enfants.

Mensonge grossier et manipulation auxquels une fois de plus quelques instits irréfléchis ne trouvent rien à redire. « Peut-être [les anciens combattants] apprennent-ils [aux écoliers] à ne pas être dupes », poursuit l’article. Pour ce qui est de duper son monde et ses lecteurs, Ouest France a toujours fait très fort dès lors que les Anciens d’Algérie sont en cause. Avec la bénédiction de l’Education nationale.

5 novembre 2006

Sortir de l'histoire de France

Ce n’est pas une surprise, la nouvelle enquête d’opinion de l’Ifop sur l’électorat du Front national (Le Monde, 04/11/2006) qui montre en particulier que la catégorie la mieux representée chez les sympathisants du FN est celle des ouvriers.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-830740@51-823442,0.html

Cet électorat n’attend nullement de Le Pen une amélioration de ses conditions de vie ou une politique efficace contre le chômage ; les sympathisants de Le Pen estiment à 86% qu’ « il y a trop d’immigrés en France » et c’est là-dessus qu’ils votent. Le reste, le chômage, la précarisation, le développement des inégalités et des injustices, les lourdes menaces que la dégradation de l’environnement fait peser sur le monde, le monde justement, la pauvreté de milliards d’individus, le mal-développement, les guerres, tout cela  n’est pas dans leur préoccupation. Boutons les étrangers hors de l’hexagone et tout ira mieux. C’est l’attachement à une certaine identité française, fantasmée, qui fait voter Le Pen. Une identité dont on persiste à penser qu’elle naît, au moins en partie, à l’école puisque c’est le rôle de l’école, à travers notamment, l’enseignement de l’histoire, que de contribuer à « faire naître chez les élèves une conscience nationale ». L’aveuglement et la complaisance qui, depuis une dizaine d’années, ont conduit les responsables politiques à renforcer le fait national à l’école (par exemple avec le retour de l’apprentissage de la chronologie nationale dans les programmes Chevènement ou avec la Marseillaise obligatoire) montrent tous leurs effets : ce n’est pas en récupérant, en cherchant à justifier des valeurs identitaires, nécessairement racistes et xénophobes, qu’on peut freiner la progression de l’extrême-droite dans l’opinion. Bien au contraire : lorsqu’à l’école, on réussit à ouvrir les élèves à l’histoire de tous les continents – mais l’histoire de l’Afrique, de l’Amérique, de l’Asie reste singulièrement absente du cursus scolaire – on montre alors facilement la vacuité de l’idée nationale et ses effets pernicieux. Reprendre à son compte l’idéologie de l’extrême-droite pour dissuader de voter Le Pen est un mauvais calcul : cela revient au contraire à donner une légitimité accrue à un système de pensée, centré sur la nation, système qu’il est facile de démonter avec juste un peu de bonne volonté.

Sur le même thème, voir aussi « Le Pen maître d’école » (Journal d’école, 24/04/2006).

http://journaldecole.canalblog.com/archives/2006/04/24/index.html

26 octobre 2006

Laïcité, liberté, duplicité

Curieux de voir comment certains discours idéologiques peuvent se développer in abstracto, à l’écart de la réalité et des préoccupations du moment. Ainsi, dans une longue homélie, « La laïcité, bon Dieu ! » (Libé, 26/10/2006) André Laignel et Henri Pena-Ruiz, deux grands prêtres de la laïcité, se livrent à une amusante – pardon, à une émouvante - imploration en faveur de la laïcité menacée par les hordes barbares. Retrouvant les accents de Saint Jérôme défendant l’Occident, ils affirment leur foi en l’école laïque, pilier de la république, « le beau mot de république ».

http://www.liberation.fr/opinions/rebonds/212979.FR.php

« L’école laïque accueille sans discrimination les croyants et les athées, les enfants de toutes origines », affiment-ils sans rire. Ceux qui ne sont plus là pour les démentir sont tous ces petits élèves sans-papiers cueillis au petit matin sur le chemin de l’école (de la république) ou même directement dans les classes, par la police (de la république) qui ne fait là que son devoir (républicain). Est-ce faire injure à l’école (de la république) que d’affirmer que les enfants y sont mieux accueillis, plus sûrement en tout cas, lorsqu’ils sont d’ « origine » berrichonne plutôt que d’ « origine » malienne ? Et d’ailleurs, le ministre de l’Education et de l’Intérieur n’a-t-il pas réclamé que l’on interdise à ces enfants venant de l’autre côté de la Méditerranée de parler leur « patois » d’origine ? « Il n’y a pas d’étrangers dans l’école de la république », affirment-ils : c’est vrai et au rythme où l’on va, il risque fort de ne plus y avoir bientôt d’étrangers en France. La France, on l’aime ou on la quitte.

« La laïcité garantit la liberté de conscience (...) sans distinction de culture d’origine », poursuivent les auteurs. On va encore me reprocher d’y revenir, mais on rappelle quand même que la laïcité ne s’offusque pas de la Marseillaise obligatoire à l’école primaire, du délit d’ « outrage aux symboles nationaux », en réalité un blasphème républicain ou des programmes d’éducation civique en collège rédigés par les autorités militaires (l’ « esprit de défense » à faire rentrer dans les petites têtes d’élèves de 3e) qui me valurent une sanction des autorités académiques il y a quelques mois. Voir « Rappel à l’ordre » sur Journal d’école, http://journaldecole.canalblog.com/archives/2006/07/26/index.html). Aussi, lorsqu’on lit sous la plume de Laignel et Pena-Ruiz que « l’école laïque, c’est l’école de la liberté : la liberté y enseigne et y est enseignée » (sic), on se pose des questions sur l’étrange conception qu’ils se font de la liberté. Liberté pour l’enseignant de se taire et d’obéir au ministre sous peine de sanction ? Liberté pour les élèves de se couler dans un moule, d’abdiquer toute personnalité, de se soumettre à une discipline punitive, d’accepter que leur comportement fasse l’objet d’une surveillance permanente et tatillonne au point d’être évaluée par une inénarrable « note de vie scolaire », en fait un brevet de docilité ? Liberté pour quelques jeunes filles de choisir entre l’exclusion ou de dévoiler leurs cheveux et pour toutes les autres, pour tous les autres, d’être soumis au regard inquisiteur d’adultes qu’un morceau de chair adolescente rend hargneux ? La laïcité à l’école : une caricature, un déni de liberté.

La laïcité à l’école, on la prendra au sérieux le jour où les programmes scolaires, tout spécialement les programmes d’histoire, voudront faire toute leur place à l’histoire et à la culture de nos millions d’élèves dont les ancêtres sont nés de l’autre côté de la Méditerranée et n’étaient pas des Gaulois. L’Afrique, pourtant si proche – 30 kilomètres par le détroit de Gibraltar – pas davantage d’ailleurs que le monde, n’ont leur place à l’école « de la république » : nier l’histoire des individus, parce que seule en fin de compte celle de l’homme blanc y est admise. L’Africain, l’Américain, l’Asiatique n’existent dans l’imaginaire des élèves que lorsque l’homme blanc les « découvre ».

L’école laïque, tout comme d’ailleurs, l’école privée, qui fonctionne sur les mêmes principes, les mêmes mensonges, n’est ni libre ni neutre : il y a trop de non-dit derrière ce concept.

26 octobre 2006

L'hymne national contraire aux droits de l'homme...au Japon

« Forcer quiconque à chanter l’hymne national constitue une violation de la liberté de pensée et de conscience ». Mon bonheur aura été de courte durée devant cette décision judiciaire : il ne s’agit pas d’un tribunal français condamnant la Marseillaise obligatoire à l’école primaire mais du verdict rendu par le juge de la Cour du District de Tokyo (The Japan Times, 22/09/2006). Depuis 2 ans, 401 professeurs japonais qui refusaient de se lever devant le drapeau japonais pour chanter l’hymne national, étaient menacés d’avertissement ou même de suspension. Heurtés par cette atteinte à leur liberté de conscience, ces enseignants ont porté plainte en justice et donc obtenu gain de cause.

On rappelle qu’en France, cela fait maintenant près de deux ans qu’un député d’extrême-droite a fait adopter un amendement rendant obligatoire l’apprentissage de la Marseillaise à l’école primaire. Même si, autant qu’on puisse le savoir, un certain nombre d’enseignants s’assoient les deux fesses sur cette obligation, on attend toujours que 400 d’entre eux aient le courage de porter plainte en justice contre une contrainte en totale opposition avec les principes fondamentaux sur la liberté de pensée. En fait, ce n’est pas d’aujourd’hui que la République s’essuie les pieds sur les droits de l’homme.

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31 juillet 2006

L'esprit de défense contre les droits de l'homme

L’armée, comme objet d’étude, est rentrée dans les programmes scolaires à partir du début des années 80 (le PS régnant). En 1982, les ministères de l’EN et de la Défense signent un protocole qui déclare dans son préambule : « La notion de sécurité est indissociable en France de l’existence d’une communauté nationale façonnée par l’histoire, animée d’un véritable esprit de défense. [...] La mission de l’EN est d’assurer une éducation globale visant à former les futurs citoyens responsables ». La formation des enseignants en matière de défense se fait au sein d’une organisation – le « trinôme académique – théoriquement placée sous la tutelle du recteur, mais en fait chapeautée par l’autorité militaire territoriale et l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN) à propos de laquelle il faut signaler que, quoique bénéficiant depuis 1997 du statut d’établissement public, il se trouve en réalité hébergé dans les locaux de l’Ecole militaire et dirigé par un officier supérieur. Les programmes actuels relatifs à la Défense sont inclus depuis 1998 dans les programmes d’éducation civique de la classe de 3e ...alors même que, comme on le sait, cette matière fait l’objet d’une épreuve écrite obligatoire à l’examen du brevet. La loi du 28 octobre 1997 précise que « cet enseignement a pour objet de renforcer le lien armée-nation tout en sensibilisant la jeunesse à son devoir de défense ».

Autrement dit – et c’est là où le bât blesse – la sensibilisation des collégiens aux problèmes de défense est assurée exclusivement par les militaires. Les programmes officiels se doivent donc de refléter leur point de vue, leurs conceptions, leur morale, qui peut se résumer en une phrase : le rôle de l’armée n’est pas de faire la guerre mais d’assurer la paix. Tout est mis en œuvre pour accréditer cette idée aux yeux des élèves : les missions d’interposition ou de sauvetage dans les pays en guerre sont régulièrement mises en avant afin que nul ne doute de la légitimité de l’axiome : armée, facteur de paix. Dans cette optique, les programmes de 3e se livrent à un amalgame assez grossier entre les missions purement guerrières de l’armée et celles touchant à la protection civile auxquelles elles peuvent être amenées ponctuellement à participer. On fusionne, derrière cette notion fourre-tout de « défense » aussi bien l’action des pompiers, des secouristes, que celles des organisations humanitaires. Comme si un Rafale pouvait être assimilé à un Canadair !

L’élève et, derrière lui, le futur citoyen, est donc amené à ne jamais se poser les questions qui dérangent, ou, plus précisément, qui dérangeraient si l’on était autorisé à les poser, comme par exemple :

- est-on sûr que la défense de la paix et le souhait affiché d’éviter des bains de sang soient le seul motif des interventions extérieures ? Derrière la participation militaire française en Afghanistan aujourd’hui ou lors de la guerre du Golfe, n’y a-t-il pas comme des odeurs de pétrole ? Comment justifier, avec le recul, la présence de l’armée un peu partout en Afrique, lorsque l’on sait le triste rôle qu’elle a tenu au moment, par exemple, du génocide au Rwanda ou, à une époque très récente, comme force d’appoint pour nombre de tyranneaux africains ?

- quelle justification apporter à la force nucléaire française alors que la bombe atomique est, dans son principe, une forme de terrorisme d’état prenant en otage les populations civiles ? Sera-t-on autorisé à évoquer, en collège, les dégâts causés par les essais nucléaires dans l’Océan Pacifique ?

- faut-il accepter sans réagir les dépenses militaires colossales – en France, l’an passé, 43 milliards d’euros ; dans le monde, 1118 milliards de dollars pour une seule année – alors que les besoins les plus élémentaires des populations ne sont même pas assurées ? Ces dépenses sont-elles destinées à assurer la paix ou bien plutôt à entretenir les intérêts communs d’un lobby politico-militaire tout puissant ?

- la France est le second ou troisième exportateur mondial d’armements : est-ce la meilleure façon de promouvoir la paix que de vendre partout dans le monde, et spécialement dans les régions conflit, des armes dont on sait qu’elles serviront un jour ou l’autre ?

- la violence est-elle légitime et efficace pour résoudre les conflits et apaiser les tensions ? Assurer un développement plus juste et harmonieux de la planète n’est-il pas préférable à la guerre ?

Autant d’interrogations, de questionnements que l’on interdit aux élèves, parce que les programmes scolaires, sur ce point, reflètent en réalité une morale d’état – l’armée est un instrument de paix – imposée en réalité par quelques hommes politiques et défendue sur le terrain, dans les établissements scolaires, par des seuls militaires qui n’ont sans doute pas spécialement intérêt à ce que les citoyens réfléchissent à la paix et à la guerre. Avec l’esprit de défense, l’EN ne respecte pas ses principes, du moins, ceux qu’elle affiche ouvertement, à commencer par la nécessaire neutralité de l’enseignement : son approche partielle et partiale des problèmes de défense ne tient pas compte de la sensibilité, nécessairement diverse et variée, des élèves et de leurs familles ; pourquoi, sur ce thème, les nombreux mouvements, les associations pacifistes, non-violents, n’ont-ils pas le droit de porter aux jeunes une autre parole, un autre éclairage que ceux de l’armée ?  Ces programmes sont en contradiction avec les objectifs affichés de l’éducation civique qui visent à développer le sens critique, à ouvrir les yeux, à développer une pensée autonome. On a ici une fois de plus la désagréable impression que les valeurs mises en avant par l’EN, son insistance à évoquer les droits de l’homme comme fondement de la formation des citoyens, ne sont en réalité qu’un leurre, une duperie : quelle signification prendront ces droits aux yeux des collégiens à qui l’on refuse sur le sujet de la paix et de la guerre, le premier d’entre eux, la liberté de conscience ?

Alors que des enseignants – bien peu nombreux, il est vrai – sont sanctionnés par leur administration parce qu’ils s’imaginaient naïvement que les droits de l’homme s’appliquaient également à l’école...

26 juillet 2006

"Rappel à l'ordre"

Retour sur le DNB de juin dans l’académie de Nantes (voir mes chroniques du 26/06/2006 : « L’Education nationale prépare les collégiens à la guerre » ; du 28/06/2006 : « Croire, obéir...et corriger ses copies »). Mes critiques sur l’épreuve d’éducation civique et l’ « esprit de défense » qu’elle cherche à promouvoir, mon opposition au barème officiel de correction et finalement le choix, assumé en toute conscience, de ne pas tenir compte d’un barème discriminatoire, contestable car sous-tendu par une forte idéologie partisane, contraire au principe officiellement proclamé de neutralité de l’enseignement : afin de ne pas pénaliser les candidats, j’attribue à chacun d’entre eux la note maximale (12/12) pour cette épreuve. D’une certaine façon, oui, j’ai désobéi.

La réponse de l’administration ne se fait pas attendre : quelques jours plus tard, je me vois infliger par l’Inspection académique un « rappel à l’ordre » officiel accompagné de la privation des indemnités de correction. Si la perte des indemnités ne me fait pas pleurer, j’ai tout lieu d’être inquiet du rappel à l’ordre, joint à mon dossier professionnel et, à ce titre, susceptible de faire problème pour une promotion future. Tout cela dans le grand silence de juillet, dans l’indifférence générale.

On se souvient qu’il y a deux mois, l’exclusion de Brighelli du jury de CAPES avait provoqué un cataclysme dans le petit monde éducatif : Brighelli présent partout sur les télés, les radios, dans les journaux, hurlant au martyr, dénonçant la mainmise des « khmers rouges » sur l’éducation. Brighelli relayé par sa suite de courtisans – je ne sais pas s’ils sont nombreux, mais en tout cas forts en gueule, bien organisés avec des entrées partout. A commencer rue de Grenelle : deux jours plus tard, Brighelli se voyait réintégré par de Robien en personne. Moi, j’attends toujours qu’on m’invite sur France 2...ou sur Radio Courtoisie et que de Robien se penche sur mon cas. Ce n’est pas la première fois que l’on observe que les contempteurs les plus virulents du système éducatif, sont également prompts à tirer profit, en terme de carrière personnelle, de la notoriété toute neuve que leur apporte leur contestation. Contestation d’ailleurs davantage de façade que réelle : ils se présentent comme des rebelles, on loue leur courage alors qu’ils ont surtout du talent, semble-t-il, pour caresser la haute administration et une partie de l’opinion publique dans le sens du poil. Faut-il vraiment de la témérité, de l’audace pour réclamer le retour de la méthode syllabique et des « bonnes vieilles méthodes », dénoncer la « baisse de niveau », hurler contre les sauvageons alors que cette thématique réactionnaire est devenue depuis plusieurs années le fond de commerce électoral de toute une classe politique, et qu’il suffit de la reprendre à son compte, de se glisser dedans pour trouver un éditeur complaisant, un journaliste ou un présentateur de télé, tous ignorants de la chose éducative mais tout heureux d'inviter Brighelli, Le Bris et consort, parce que la nostalgie en matière éducative, ça rapporte un max. En espèces sonnantes et trébuchantes comme en bulletins de vote.

Aujourd’hui, c’est moi et nul autre qui suis sanctionné. Je dédie cette chronique à l’un des intervenants sur Journal d’école qui, il y a quelques semaines, avait suggéré dans un commentaire, que j’étais de ceux « qui n’hésitent pas à coucher avec la hiérarchie pour obtenir une promotion »...

22 juillet 2006

Marseillaise pour les enfants ? Un leurre

L’idée de modifier les paroles de la Marseillaise pour atténuer son côté guerrier et brutal n’est pas nouvelle – quoiqu’on dise, la Marseillaise n’a jamais fait l’unanimité – mais connaît une nouvelle fortune depuis que le gouvernement, en panne d’idées face au délitement social, a cherché à en rendre l’apprentissage obligatoire à l’école primaire. Christian Guillet, qui est intervenu sur Journal d’école (12/07/06), milite pour faire adopter par le législateur une « nouvelle Marseillaise ». Philippe Dacremont (voir son message du 08/07/06 sur Sortir de l’histoire de France) anime une initiative visant à faire composer, sous forme d’un concours, une « Marseillaise pour les enfants » avec des couplets nouveaux qui, notons-le quand même, ne remplaceraient pas les anciens mais viendraient simplement les compléter. On se reportera à leurs sites respectifs pour juger de leurs arguments.

Qu’une nouvelle Marseillaise ou une Marseillaise pour enfants voie le jour, quelle importance, en fait ?  Même si les paroles de l’hymne national sont odieuses et ridicules, fondamentalement, ce qu’on reproche à la Marseillaise, c’est d’abord, justement, d’être un hymne national, un cantique, donc, visant à faire naître et développer, tout spécialement chez les enfants, ce qu’on appelle une conscience nationale. Et cette conscience nationale, on ne voit décidément pas de quelles vertus elle peut se prévaloir. En dressant des barrières artificielles – les frontières nationales – entre les individus, la conscience nationale génère des peurs, des fantasmes, des phobies à l’origine de bien des maux de l’époque contemporaine, guerres et génocides principalement. Racisme et xénophobie touvent leur origine dans ce sentiment d’appartenance arbitraire, forcé, fondé sur nulle réalité. Des enquêtes concordantes, que j’ai évoquées plusieurs fois sur Journal d’école montrent que le facteur décisif de l’adhésion aux thèses du Front national était un sentiment identitaire très fort centré sur le concept de nation, concept dont l’inanité, la vacuité ne sont plus à démontrer.

On voit ici toute l’ambiguïté et, à vrai dire, la dangereuse duplicité des propositions visant à composer de nouvelles paroles sur la Marseillaise : en gommant ses aspects les plus excessifs, les plus violents, elles tendent en réalité à lui donner une légitimité nouvelle qu’elle ne devrait pourtant jamais avoir. Surtout à l’intérieur d’une école dont la fonction demeure de former non pas de bons Français, mais tout simplement de bons copains, de développer les sentiments d’altruisme, de coopération, d’intérêt aux autres, d’ouvrir la curiosité des enfants au monde et non pas de la borner aux frontières sclérosées d’une hypothétique identité nationale. Cela fait maintenant de longs mois que des enfants sont pourchassés par la police à l’intérieur même des établissements scolaires pour être expulsés vers « leur pays d’origine » ; en vertu de circulaires administratives prétendument légales mais qui ne font qu’entériner le principe d’appartenance à une nation : ces enfants n’ont pas le droit de vivre en France parce qu’ils n’ont pas la nationalité française, c’est-à-dire qu’ils ne possèdent pas cette petite carte plastifiée faisant d’eux des Français. L’ « identité française », c’est cela et rien d’autre : un bout de papier plastifié. Pas de quoi chanter un hymne là-dessus.

2 juillet 2006

Croire, obéir et corriger ses copies

Mercredi 28 juin,  8 heures. Arrivée des profs pour la correction des épreuves du brevet [voir L'éducation nationale prépare les collégiens à la guerre, 02/07/2006]. Un sujet de discussion : la victoire de l'équipe de France sur la Patagonie. Une préoccupation : corriger son paquet de copies le plus vite possible pour pouvoir partir en vacances. Jusque là c’est humain. Mes préoccupations sur le sujet d’éducation civique , « la défense nationale et ses missions » ne m’attirent guère de sympathie, pas même vraiment d’attention. Manifestement, je dérange. J’ai l’habitude : avoir une conversion intéressante avec un prof, c’est assez rare, effectivement. Nous nous répartissons par disciplines pour recevoir les consignes de correction de la bouche d’un collègue délégué par l’inspecteur, un missi dominici en quelque sorte. Pour l’histoire-géo éducation civique, c’est une missi d’ailleurs. Lorsqu’est évoqué le barème de l’épreuve incriminée, j’interviens, poliment bien sûr. Je demande simplement s’il serait possible de revoir le barème officiel dans un sens qui tienne compte des sensibilités, des valeurs de chaque élève. On me répond que c’est impossible : on ne  revient jamais sur les décisions, absolues, d’une commission d’harmonisation du barème. J’insiste : je demande comment seront alors notés les élèves qui auront posé des questions sur la bombe atomique – la bombe atomique est-elle un instrument de paix ? – sur les budgets militaires démentiels, les exportations d’armements, sur la légitimité de la guerre, interrogations partout légitimes mais pas à l’école. Je m’obstine : pourquoi une affiche de propagande de l’armée, « Quand l’armée avance, la paix progresse », devrait-elle être considérée comme parole d’évangile ? Qu’en est-il de la neutralité de l’école, maintes fois proclamée, en particulier contre quelques jeunes filles coiffées d’un foulard ? Un képi vaudrait donc mieux ? Autour de moi, ça commence à grogner, non pas contre le sujet du brevet, non pas contre le barème, non pas contre l’éducation à « l’esprit de défense », partie intégrante des programmes en collège, mais contre moi : « on ne va pas passer une heure à discuter de ça (...) C’est le programme, il faut le respecter (...). » Des observations à la mesure de ceux qui les lancent. L’emmerdeur, l’empêcheur de tourner en rond, c’est moi. La missi, un peu perdue à vrai dire, appelle le principal à son secours. Qui me rappelle à mes obligations de fonctionnaire, à mes obligations de service ; je lui rappelle mon statut de citoyen et la liberté de conscience. Qui refuse, approuvé par plusieurs profs ( !), que les candidats soient « pénalisés » par ma faute ; je réponds qu’ils sont manipulés par l’Education nationale. Et qui sort, comme au théâtre. Pas un mot de protestation chez les collègues : chez les profs, on ne conteste pas l’autorité. Quelques-uns, quand même, montreraient des sentiments plus humains, mais à voix basse, comme honteux. Et de quoi faudrait-il avoir honte lorsqu’il s’agit de guerre et de paix ?

Que dire, de cette triste pantalonnade où des profs, dont j’ai du mal à me reconnaître comme collègue se sont montrés d’une pusillanimité désespérante, incapables de réfléchir par eux-mêmes, attendant tout des « consignes », s’interdisant toute forme de constestation ? En quelques minutes, ils ont révélé  l’une des tares les plus criantes du système éducatif français : tout accepter des programmes officiels même l’inacceptable, ne jamais remettre en cause la hiérarchie, même lorsqu’elle se fourvoie grossièrement.

Bizarrement, dans cette même session d’examen, les candidats au brevet avaient cette année à réfléchir  sur le thème du nazisme comme idéologie totalitaire ; plusieurs documents évoquent l’endoctrinement des jeunes dans les Jeunesses hitlériennes, l’obéissance absolue comme mode de fonctionnement de la société. Beau sujet de réflexion, effectivement, mais pas seulement pour le passé, pas seulement pour l’Allemagne nazie. L’endoctrinement, la peur de déplaire à l’autorité, le repli frileux sur les consignes, l’impossibilité de penser par soi-même, c’est aussi en France, aujourd’hui et le plus affligeant reste de constater que l’école conduit à de pareils errements. Les enseignants d’histoire-géo sont pourtant payés pour savoir où cela mène.

2 juillet 2006

L'éducation nationale prépare les collégiens à la guerre

C’est à une bien  curieuse leçon de civisme qu’ont été soumis les collégiens de l’académie de Nantes, qui, aujourd’hui, passaient l’épreuve d’histoire-géo-éducation civique du Diplôme national du brevet. Sous le titre « la défense nationale et ses missions », plusieurs documents de propagande, émanant du ministère de la Défense, sont présentés aux élèves, sans que ces derniers puissent  échapper à l’idéologie qu’ils sous-tendent. « Quand la défense avance, la paix progresse », assène une affiche placardée un temps sur les murs et livrée sans distanciation, comme vérité indiscutable, sans possibilité de critique, à des jeunes de 14-15 ans. Est-on sûr que la paix progresse vraiment quand les parlementaires votent un budget militaire de 43 milliards  d’euros, alors que tant de besoins, tellement plus évidents, ne sont pas assurés ? Quand la France, second exportateur mondial d’armements, vend sa sinistre quincaillerie partout dans le monde, aux régimes les plus corrompus comme aux pays les plus pauvres, pour le seul intérêt du puissant lobby des marchands de missiles ? Quand elle continue d’entretenir et de développer une arme atomique qui prend en otage les populations innocentes ? Ou quand l’armée intervient brutalement contre des mouvements sociaux comme on vient de le voir dernièrement en Nouvelle-Calédonie ? Toutes ces interrogations, légitimes en démocratie, se voient interdire l’accès des établissements scolaires où, sur le sujet de la guerre, seule l’armée est autorisée à faire entendre sa voix. Le bourrage de crâne tient alors lieu de débat, la réflexion disparaît derrière la manipulation. Le rectorat d’académie, organisateur de cette épreuve semble ignorer, ou, à vrai dire, méprise superbement, les convictions, les sensibilités de familles qui cherchent à éduquer leurs enfants sur des valeurs de non-violence, de tolérance et de pacifisme. Les candidats au brevet seraient donc sanctionnés, punis pour avoir exprimé des opinions, une morale qui ne sont pas celles de l’administration académique ? Qu’est-ce donc que cette épreuve d’examen qui respecte aussi peu la plus élémentaire des libertés de conscience ?  On croyait, innocemment sans doute, que l’éducation civique avait pour fonction de former des citoyens éclairés, de développer le regard critique, d’aider à la construction d’un monde meilleur d’où la guerre et la violence seraient bannies. On se trompait : l’éducation civique en collège, ça sert, d’abord, à faire accepter sans réagir les guerres, celles d’aujourd’hui et de demain.

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