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Sortir de l'histoire de France
28 août 2005

Sortir de l'histoire de France

Remettre en cause l'histoire de France paraîtra sans doute à certains relever du sacrilège et pourtant, les fondements de cet enseignement et les pratiques qui en découlent ne doivent pas échapper à la critique. Ses objectifs, tels que les définissent, notamment, les programmes officiels, tournent autour de l'émergence, jugée indispensable chez l'enfant, de ce que l'on appelle communément une « conscience nationale » : autrement dit, alors que jusque vers 7 ou 8 ans, l'enfant n'est qu'un enfant, il doit, à partir de cet âge, devenir un Français...

Pour aboutir à cela, on ramène alors l'histoire, le passé, à une série de dates, une galerie de portraits touchant à l'histoire politique et militaire qui n'est sûrement pas la plus attrayante, ni la plus formatrice pour un élève. Pour la période du Moyen Age, par exemple, les élèves de l'école primaire doivent mémoriser 3 dates : celles de l'avènement de Hugues Capet, de la bataille de Bouvines, de la mort de Louis XI ; et encore la chevauchée de Jeanne d'Arc n'a-t-elle été que récemment effacée de cette chronologie officielle et obligatoire ! On peut s'interroger sur la légitimité, le bien-fondé de ce choix : pour l'éducation d'un enfant, ces événements sont-ils plus riches de sens, de signification que, par exemple, pour cette même période, les grands défrichements, la construction de la cathédrale de Chartres, de la grande mosquée de Cordoue ou l'invention de l'imprimerie ? Leur choix, arbitraire, découle de l'impératif évoqué au départ : l'éducation des élèves doit se couler dans le moule d'un concept artificiel – celui de nation – considéré comme la mesure incontournable de la connaissance historique.

Cette façon d'envisager l'enseignement de l'histoire s'avère dévastatrice. En se limitant trop souvent au cadre étriqué de la nation, on s'interdit de découvrir le monde et, partant, de découvrir l'autre ; car si l'on se lançait à la recherche de l'autre, de l'étranger, peut-être se rendrait-on compte que l'étranger n'est finalement pas très différent que celui que l'on appelle, par habitude, le « Français ». La « France » n'existe probablement que parce qu'à l'âge de 7 ou 8 ans, âge où se forment les concepts et les fantasmes durables, les enfants se voient imposer un récit mythique, quasi légendaire dont les fondements ou la réalité ne seront par la suite jamais remis en cause.

Il est injustifiable, par exemple, que l'histoire de l'Afrique, si proche de nous pourtant, ne soit jamais prise en considération dans les programmes scolaires (sinon, c'est un comble, à travers la colonisation !). La dénonciation, tellement facile, de ce que l'on appelle, sans trop réfléchir, la montée du communautarisme dans les établissements scolaires n'aura plus de raison d'être le jour où les élèves d'origine maghrébine – car c'est quand même bien d'eux qu'il s'agit – pourront découvrir leur passé, l'histoire de leurs ancêtres (qui n'étaient pas les Gaulois...), alors que, dans le même temps, il apparaîtra comme évident que cette découverte ne met pas en péril la république...

De même, peut-on penser que la xénophobie et le racisme largement répandus dans notre pays, sont, pour partie, la conséquence d'un programme scolaire qui, fatalement, parce que l'étranger n'y apparaît le plus souvent que dans les périodes de guerre, tend à le présenter sous la forme d'un danger ; il est particulièrement malsain et dangereux que les Arabes n'apparaissent dans l'imaginaire d'un élève que lors de la bataille de Poitiers, ou dans un même ordre d'idées, que l'Allemagne se ramène presque exclusivement au personnage d'Hitler.

Ouvrir l' enseignement de l'histoire sur le monde, ouvrir les enfants au monde, à sa richesse et à sa diversité, promouvoir la conscience humaine plutôt que la conscience nationale, en finir avec la chronologie artificielle et dangereuse de l'histoire de France, autant de pistes de réflexion que l'école du XXIe siècle serait bien avisée de mettre en œuvre.

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