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Sortir de l'histoire de France
29 août 2005

Racisme, discrimination et Marseillaise

En mars dernier, les "Semaines d’éducation contre le racisme", ont été l'occasion de sensibiliser les élèves à la "lutte contre le racisme et les discriminations ».

En France, cette journée a pris place dans un contexte bien particulier puisque c’est le moment choisi par les parlementaires, pour inscrire dans la loi Fillon l’obligation pour les élèves, d’apprendre la Marseillaise. N’y aurait-il donc aucun lien entre racisme et hymne national ?

L’hymne national, chanté par des enfants de 7 ou 8 ans – puisque c’est la cible visée par cet apprentissage... – a pour objectif de faire naître ce qu’on appelle communément une « conscience nationale » ; ce qui signifie que ce sentiment n’est nullement naturel mais qu’il a besoin d’être activé pour exister. Sans Marseillaise, sans drapeau tricolore, point de sentiment national et, sans doute, point de nation, si l’on veut bien considérer que la nation est plus souvent un sentiment qu’une réalité.

Même si de la nation n’existent que des définitions subjectives, chacun s’efforçant d’apporter sa propre justification à un concept plutôt fumeux, toutes se retrouvent dans le désir de faire croire à l’existence d’un groupe humain homogène, les « Français », doué de qualités qui lui seraient propres et qui s’opposerait, par le fait même de son unicité, à d’autres groupes humains non moins homogènes, non moins uniques, qu’on regroupe, pour faire simple, sous le terme générique d’ « étrangers ». On serait bien en peine de fixer, même de façon très vague, le caractère spécifique de ces fameux « Français », pas davantage que de montrer en quoi ils s’opposent aux « étrangers », en dehors du fait que les étrangers vivent au-delà d’un pointillé sur une carte baptisé « frontière » par les tenants de l’idée nationale.

L’important n’est d’ailleurs pas que la nation existe mais qu’on y croie ; et à 7 ou 8 ans, âge où l’on croit au Père Noël, aux fantômes ou au grand méchant loup, on n’a pas besoin de se forcer pour admettre la réalité de ce fantasme supplémentaire qu’est la nation.

Mais ce fantasme-là est pernicieux. Car en s’élaborant sur une différenciation floue avec l’autre, on a tôt fait de regarder cet autre avec méfiance, de l’assimiler à un danger. Les programmes officiels de l’école poussent d’ailleurs en ce sens : l’histoire « de France » laissant une large place aux guerres dans lesquelles l’étranger est toujours le coupable et la France la victime. On conduit ainsi très vite l’enfant à assimiler l’étranger à une menace.

Se persuader que l’on appartient à un groupe à part menacé par d’autres groupes à part, n’est-ce pas un trait caractéristique de ce qu’on appelle communément le racisme ou, plus précisément, ne serait-ce pas comme cela que le racisme vient aux enfants ? Et si l’école de la République, plutôt que d’être un lieu d’ouverture au monde, d’apprentissage de la tolérance, du refus des discriminations, comme elle se vante de l’être, n’était en réalité le lieu où commencent à se former les blocages, les peurs irraisonnées, les phobies qui font le lit du racisme ?

La Marseillaise obligatoire et autoritaire ne fait qu’exaspérer cette prédisposition, avec ses couplets que beaucoup, même chez ceux qui ne remettent pas en cause l’idée nationale, jugent ridicules, brutaux et guerriers, voire franchement sordides. Quels citoyens espère-t-on former avec ce verbiage sinistre sur le sang impur, l’étendard sanglant, les féroces soldats qui, comme chacun sait, égorgent nos fils et nos compagnes ?

On a beau soumettre la Marseillaise à toutes sortes d’exégèses, remonter à l’époque de la Révolution pour tenter de lui donner du sens, il faut une bonne dose d’aveuglement ou de mauvaise foi pour ne pas se rendre compte qu’aujourd’hui, pour beaucoup, le féroce soldat ne vient pas d’au-delà du Rhin mais d’au-delà de la Méditerranée, que l’égorgeur de nos fils et de nos compagnes n’a plus les traits du soudard à la solde de l’empereur d’Autriche, mais ceux du Maghrébin et que ce n’est pas contre les rois qu’on lève l’étendard sanglant mais contre tous les sans-papiers poussés par la misère du monde à l’assaut de notre riant pays.

Que l’hymne national soit devenu l’hymne de l’extrême-droite ne résulte pas d’un détournement ou d’un viol idéologique ; lorsque les militants du FN le chantent avec passion, c’est tout simplement parce qu’il colle parfaitement à leurs valeurs. S’en réclamer, au nom de la république, comme le font les laudateurs d’une Marseillaise « démocratique », au prétexte qu’il ne faudrait pas en laisser le monopole à Le Pen, revient à rejeter Le Pen tout en acceptant ses idées.

Il est indubitable que ces dernières années ont vu un peu partout un regain d’intolérance, de rejet ou de peur de l’étranger ; si l’école n’en porte évidemment pas seule la responsabilité, il est peut-être judicieux – parce qu’en France elle s’est toujours posée en éducatrice civique et morale – qu’elle s’interroge sur certaines de ses pratiques ou de ses valeurs.

Eduquer contre le racisme, ce qui est l’objet de ces présentes Semaines, paraît difficilement compatible avec l’apprentissage d’un hymne national ; c’est même parfaitement antinomique.

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