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Sortir de l'histoire de France
5 octobre 2005

J'ai beaucoup d'estime pour Philippe Meirieu mais...

Dans le Figaro littéraire ( 29/09/05) Philippe Meirieu échange avec J.-P. Brighelli. Brighelli, c’est le Le Bris de la rentrée 2005. Pour le Bris, l’école fabrique des illettrés et des analphabètes, pour Brighelli, elle produit également des « crétins ». Il faut croire que ce prof agrégé en est lui-même un pur produit, vue la quantité d’âneries, de lieux communs, de contre-vérités qui remplissent ce pamphlet nullissime, vite écrit, vite lu, destiné aux Centres Leclerc, quelque part entre le rayon produits d’entretien et le rayon lingerie féminine. C’est paraît-il, depuis des années, le rituel de la rentrée : je n’ai rien à dire sur l’école mais je le dis quand même ; ça arrondira toujours mes fins de mois.

Bon, revenons à Philippe Meirieu, qui, dans cet entretien lui apporte la contradiction. Trop facile d’ailleurs, tellement l’adversaire patauge dans ses contradictions, se noye dans son inepte bavardage. Sauf qu’à un moment, Brighelli se lance dans l’évocation de son fils, scolarisé en CP, qui n’apprend plus ni histoire ni géographie, les programmes privilégiant à ce niveau une initiation par l’étude de l’ « environnement ». Il est clair que pour Brighelli, la géographie se ramène à la récitation de la liste des départements et des préfectures ; et notre homme – paraît-il, d’ « extrême-gauche » – de se désoler de la perte de ces fameux repères chronologiques qui serait à l’origine de tous les maux de notre monde contemporain. Vous rendez-vous compte, ajoute-t-il, que nombre d’élèves ignorent la date de la bataille de Waterloo. C’est grave, docteur ?

On attendait la réplique de Meirieu ; que le pédagogue affirme, par exemple, que pour un enfant de 7 ans, l’étude de son milieu est autrement plus porteur de sens que la chronologie des Capétiens directs ou des guerres de Louis XIV ; que le cerveau d’un enfant de cet âge n’a aucune idée de ce que peut représenter un siècle ou un millénaire et donc une date ; que rien ne justifie que la curiosité illimitée d’un jeune enfant se trouve bornée dans une histoire « nationale » etc. On attendait la réplique de Meirieu mais la réplique ne vint pas. Pire même,Philippe Meirieu se lance alors dans une apologie de « l’histoire de France, enseignée chronologiquement ». On se demandera toujours comment un chercheur, un enseignant aussi lucide, aussi critique, aussi courageux que l’est Meirieu, peut se laisser enfermer dans une vision aussi réductrice de l’enseignement de l’histoire. Pourquoi la France plutôt que le monde, alors que l’enfant est dévoré de curiosité pour notre planète, l’univers, les volcans, les premiers hommes et les dinosaures ? Notre planète, l’univers, les volcans, les premiers hommes et les dinosaures, tout cela n’est pas de la chronologie, de l’histoire, de la géographie ?  Si l’on trouve scandaleux qu’un enfant ignore Waterloo ou Marignan, ne l’est-il pas davantage  qu’il ne connaisse rien de l’Afrique et des Africains, l’Afrique, séparée de l’Europe par 14 kms (la largeur du détroit de Gibraltar...) où plusieurs millions de nos élèves ont leurs ancêtres directs et où nous avons tous nos ancêtres australopithèques ? Rien sur l’Asie, ses 3 milliards d’habitants et son histoire autrement plus ancienne que la nôtre ? Quant à l’Amérique, on attendra simplement que les Espagnols y mettent les pieds pour la découvrir et, au passage, massacrer ses habitants. Etouffer la curiosité des enfants à qui on reprochera ensuite, à l’âge du collège de n’être intéressés que par la télé...

« L’histoire de France, enseignée chronologiquement », qui n’est d’ailleurs même pas l’histoire des Français, ni l’histoire des hommes, des femmes, des enfants, des gens et des animaux (tiens, à ce propos, on peut toujours relire « Les animaux ont une histoire » de Robert Delort, Le Seuil, 1984) qui vivent sur cette extrémité de continent depuis bien plus longtemps que la France existe mais tout bêtement l’histoire des régimes politiques, des grands hommes qui le plus souvent n’ont été que de grandes crapules. « L’histoire de France » juste pour faire émerger chez l’enfant une « conscience nationale », comme si c’était nécessaire. « L’histoire de France » pour faire d’un enfant un Français mais surtout pas un citoyen du monde. « L’histoire de France », un dogme, un tabou, une histoire sainte au pays de la laïcité.

« L’histoire de France enseignée chronologiquement », un concept aussi dévastateur, aussi stupide que la méthode syllabique pour apprendre à lire, que la Marseillaise pour éduquer à la citoyenneté, que la blouse grise pour apprendre à vivre ensemble.

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Commentaires
N
lire à ce propos<br /> <br /> Meirieu un pédagogue médiatique:<br /> <br /> Sur les rayons « pédagogie » du Auchan culturel (FNAC), à la lettre M, ne cherchez pas Makarenko, vous ne trouverez que les ouvrages nombreux de notre pédagogue de service : Meirieu.<br /> <br /> http://edukritik.ouvaton.org/article.php3?id_article=3
B
Chere Helene,<br /> <br /> tout le monde se fiche de savoir ce qu'est votre point de vue sur l'histoire : l'important est que vous méritiez le salaire qu'on vous versera et que vos élèves sortent de votre cours en sachant où se trouve Paris et qui préside la France.<br /> C'est ça le minimum que votre enthousiasme ne pourra pas vous éviter de devoir accomplir. Les bases avant le délire.
L
Dites donc cher Lubin, jusqu'à quel point vous permettez-vous de franchir la barrière de la légalité ?<br /> J'espère que la maréchaussée vous fera rendre gorge !
L
Dites donc cher Lubin, jusqu'à quel point vous permettez-vous de franchir la barrière de la légalité ?<br /> J'espère que la maréchaussée vous fera rendre gorge !
L
Merci à Hélène pour sa contribution.<br /> <br /> A propos de télé, Arte vient de programmer dans son excellente série du samedi soir, "L'aventure humaine", un documentaire sur les civilisations perdues d'Amazonie, assimilées à l'Eldorado par les Espagnols et redecouvertes depuis peu par les archéologues. Un documentaire de 50 minutes, passionnant d'un bout à l'autre, qui mêle habilement histoire, géographie et préoccupations écologiques. Tout ce qu'il faut, donc, pour tenir éveillée la curiosité d'un jeune à partir de 10 ans. Et même si, à ma connaissance, l'émission n'est pas libre de droits, pourquoi s'en priver comme support pédagogique en classe ? Si l'on ne s'autorise que ce qui est légal, on ne fait plus grand chose...
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