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Sortir de l'histoire de France
6 novembre 2005

11 novembre : commémorer ou célébrer ?

Comme chaque année, les écoles primaires sont sollicitées pour participer aux cérémonies commémoratives du 11 novembre. En fait, dans la plupart des cas, il s’agit pour les autorités de s’assurer de la présence de quelques enfants, sagement alignés, aux côtés des Anciens d’Algérie, sur la photo qui paraîtra dans la presse locale. Et puis, ça leur fait tellement plaisir, aux Anciens d’Algérie, de se voir ainsi regardés comme des héros par des enfants admiratifs : au moins, en s’appropriant les morts de 14-18, on évite les questions gênantes sur la guerre d’Algérie.

Mais quelle mémoire, quel souvenir, l’école a-t-elle justement pour rôle de transmettre à des enfants ? Des millions de jeunes, à qui, pendant quatre ans, on a volé la vie, comme ça, sans leur demander leur avis, cela mérite sans doute réflexion, une réflexion qu’il est bien difficile de mener au cours d’une cérémonie militaire, avec fanfare et drapeaux, au milieu d’anciens combattants bardés de médailles.

Commémorer une guerre, ça consiste d’abord, autant que possible, à éviter de la glorifier, de la magnifier mais à en montrer toutes les horreurs et toute la bêtise, tout le contraire, donc, d’une célébration. Dans un même ordre d’idées, s’abstenir d’exalter la « victoire » de 1918, alors que plus de 10 millions d’hommes – 1,5 million en France, presque 2 millions en Allemagne – y ont laissé leur vie. Se défaire de cette manie, lorsqu’il s’agit de guerres, de regarder comme « victoire » ce qui ressemble davantage à un crime. Trop souvent, le prétendu hommage aux morts n’est là que pour justifier la guerre, au lieu de la remettre en cause : les haines nationales, tellement faciles à mettre en mouvement, ne naissent pourtant pas spontanément, comme ça. Fondamentalement, elles résultent d’une éducation qui vise à développer chez l’enfant une conscience nationale, qui le conduira très vite à considérer l’étranger avec méfiance alors que l’étranger n’est en réalité qu’une création artificielle : entre un Français et un Allemand, il n’y a guère qu’un pointillé sur une carte mais c’est au nom de ce pointillé qu’on a dressé des peuples à s’entretuer.

Ces commémorations historiques posent problème. Que veut-on au juste ? Rendre hommage aux morts en faisant chanter la Marseillaise aux enfants des écoles, en les faisant s’égosiller sur le sang impur qui doit remplir les sillons, comme s’il n’y avait pas eu suffisamment de sang à remplir les sillons des tranchées ? Montrer toute l’obscénité des guerres alors que rien, dans le déroulement des cérémonies, ne vient remettre en cause leur légitimité ? Ou bien, au contraire, en exaltant le prétendu sacrifice des combattants, tout en oubliant au passage, de signaler comment on les avait quand même un peu poussés au sacrifice, cherche-t-on à justifier l’injustifiable, la mort de millions d’êtres, en pleine jeunesse, sans qu’on sache au juste pourquoi ils sont morts ? Parce que les cérémonies du 11 novembre, avec leur forte connotation patriotique et militaire, ont surtout pour effet de renforcer le sentiment d’appartenance nationale, les phobies et les fantasmes identitaires, elles vont alors à l’encontre d’une éducation à la tolérance et à la paix. Dans ces conditions, le 11 novembre, il vaut donc mieux partir en week-end.

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