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Sortir de l'histoire de France
19 décembre 2005

Esclavage et colonisation dans les programmes scolaires

A ma connaissance et sauf erreurs ou oublis involontaires , les questions de l’esclavage et de la colonisation sont évoquées dans les programmes scolaires selon les modalités décrites ci-dessous. Les passages entre guillemets sont tirés de différents Bulletins Officiels de l’EN consultables sur le site du ministère.

ECOLE ELEMENTAIRE
cycle 3
Du début des temps modernes à la fin de l’époque napoléonienne – L’époque des découvertes : « la planète désormais accessible mais l’apparition d’une nouvelle forme d’esclavage ».

COLLEGE

classe de 5e
Les grands voyages de découvertes et maritimes – « La destruction des civilisations amérindiennes et la constitution des premiers empires coloniaux  font l’objet d’une étude synthétique »

classe de 4e
« La comparaison de cartes du monde en 1815 et en 1914 permet de mettre en évidence le phénomène colonial, sans entrer dans les détails chronologiques mais en évoquant les multiples raisons qui rendent compte de l’expansion mondiale des puissances industrielles, les formes diverses de cette expansion et les tensions internationales qu’elle suscite ».

classe de 3e
Les principales étapes de l’évolution des relations internationales depuis 1945 (monde bipolaire, décolonisation...).

LYCEE
classe de seconde
Les fondements du monde contemporain – La Révolution et les expériences politiques en France jusqu’en 1851 : « Une attention particulière est accordée à l’exclusion persistante des femmes dans la vie politique et à la difficile abolition de l’esclavage ».

classes de première ES et L
Le monde, l’Europe, la France du milieu du XIXe siècle à 1945 – L’Europe et le monde dominé : échanges, colonisation, confrontation : « on s’interroge sur les causes de l’expansion européenne et la diversité des formes (économiques, politiques, culturelles). Cette expansion est un phénomène complexe : elle rencontre des résistances, elle nourrit des échanges et influe sur les cultures européennes ».

classes de terminales L et ES
Le monde, l’Europe, la France de 1945 à nos jours – Le monde de 1945 à nos jours : « on analyse l’émancipation des peuples dominés, les difficultés économiques et sociales auxquelles les états nouvellement indépendants sont confrontées ». La France de 1945 à nos jours : « on présente l’enjeu de la décolonisation ».

classe de terminale S
Le monde contemporain – Colonisation et indépendance : « ce thème englobe la période qui va du milieu du XIXe siècle aux années 1960. Il permet d’étudier un phénomène majeur de l’histoire humaine, sinon dans sa totalité, du moins sur une durée significative. On présente les grands traits des conquêtes coloniales, l’organisation des empires, les modalités de la présence et de l’influence européenne, les modes d’exploitation économique ».

Observations 

L’histoire de la colonisation, si elle n’est pas absente des programmes scolaires, intervient tardivement dans le cursus des élèves :

- rien à l’école élémentaire : pour les enfants, le Maghrebin, c’est toujours le méchant Sarrasin vaincu par Charles Martel ou le fourbe des Croisades.

- En collège, la constitution des « premiers empires coloniaux », évoquée très rapidement en fin de 5e (le plus souvent, dans les derniers jours de juin...) porte essentiellement  sur les empires espagnols et portugais.  Le « phénomène colonial » est étudié en 4e  sous l’angle singulièrement réducteur des « raisons qui  [en] rendent compte », ce qui tend à privilégier le point de vue du colonisateur tel que l’exprime alors, par exemple, Jules Ferry dans son discours sur les « races supérieures [qui] ont le devoir de civiliser les races inférieures » (28 juillet 1885). En 3e, les guerres de décolonisation prennent place dans le contexte limitatif de la guerre froide.

- Ce n’est finalement qu’à partir de 15-16 ans, en lycée, que l’élève est mis en contact avec la colonisation, mais essentiellement sur une période tardive de l’histoire, du milieu du 19e siècle aux années 1960.

Ce choix de programmation permet de pointer deux lacunes de taille : l’absence quasi totale dans le cursus scolaire de la traite des Noirs et, plus généralement de l’esclavage ; rien sur le Code noir (Colbert, 1685), sur le commerce triangulaire, rien non plus sur la situation des Antilles. Les élèves de 4e sont sans doute bien surpris d’apprendre qu’en 1848 Victor Schœlcher abolit un esclavage qu’on leur avait caché jusque là... Plus fondamentalement, ces tentatives partielles et disparates d’enseigner la colonisation à l’école butent sur l’occultation absolue (mise à part une très brève incursion du côté des Amérindiens en classe de 5e) de l’histoire des continents et des peuples dominés : les élèves français quittent le système scolaire sans avoir la plus petite connaissance des civilisations millénaires d’Afrique ou d’Asie. Une sensibilisation des enfants, un éveil aux mondes autres qu’européens éviterait pourtant les fantasmes racistes et constituerait sans doute, mieux qu’une loi ou un arsenal inutilement répressif, un salutaire contrepoison aux ratiocinations délirantes sur « les aspects positifs de la colonisation ».

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