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Sortir de l'histoire de France
5 mai 2006

Madame la présidente, je vous fais une lettre

Le 8 mai prochain, comme chaque année un peu partout en France, des écoliers seront conduits devant des monuments aux morts ; encadrés par les anciens d’Algérie, ils chanteront la Marseillaise. Curieuse façon qu’on a, en France, de commémorer la fin du nazisme : un hymne de guerre, brutal et ridicule, porteur d’intolérance, des anciens combattants dont les exploits en Algérie ou en Indochine n’ont rien à voir avec la résistance au nazisme, soucieux de récupérer à leur profit la gloire d’une lutte à laquelle ils n’ont pas participé. Au moins, ce jour-là, les enfants des écoles ne leur poseront pas de question gênante sur Sétif ou sur Haïphong. Le 8 mai dans les écoles : une manipulation de la mémoire, habituelle en milieu scolaire, avec la complicité massive des enseignants qui n’y trouvent rien à redire. Sauf exception, comme par exemple en 1999, lorsque les CM2 d’une école de Montluçon, avaient chanté Le déserteur de Boris Vian devant le monument aux morts : apoplexie chez les anciens combattants, fureur des galonnés. L’Education nationale avait décidé sur le champ de suspendre à vie  la courageuse directrice. Juste un petit rappel : en mai 1999, la ministre déléguée à l’enseignement scolaire s’appelait Ségolène Royal. Alors, pour le 8 mai prochain, il est peut-être judicieux de rappeler au plus grand nombre le poème de Boris Vian, un poème qui fait l’éloge de la paix et du courage personnel, autrement plus de circonstance pour commémorer la défaite du nazisme que les élucubrations véhiculées par la Marseillaise. On dédie Le déserteur à Ségolène Royal pour le cas où...

Monsieur le président,
Je vous fais une lettre,
Que vous lirez peut-être

Si vous avez le temps.
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre

Avant mercredi soir.

Monsieur le Président,
Je ne veux pas la faire,
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer ces pauvres gens.
C'est pas pour vous fâcher,

Il faut que je vous dise,
Ma décision est prise,
Je m'en vais déserter.

Depuis que je suis né,
J'ai vu mourir mon père,
J'ai vu partir mes frères,
Et pleurer mes enfants.
Ma mère a tant souffert
Qu'elle est dedans sa tombe,
Et se moque du monde,
Et se moque des vers.

Quand j'étais prisonnier,
On m'a volé ma femme,
On m'a volé mon âme,
Et tout mon cher passé.
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des amours mortes.
J'irai sur les chemins.

Je m'en irai lundi
Sur les routes de France,
De Bretagne en Provence,
Et je dirai aux gens :
Refusez d'obéir,
Refusez de la faire,
N'allez pas à la guerre,
Refusez de partir.

S'il faut donner son sang,
Allez donner le vôtre,
Vous êtes bon apôtre,
Monsieur le Président.
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes,
Que je n'aurai pas d'arme,
Et qu'ils pourront tirer.

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